Le styliste et producteur Mason Ewing casse les clichés sur le handicap !

Mason Ewing de face.
Toombow Kids

Ce mois de novembre 2022 signe le grand retour de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) qui se déroulera du lundi 14 au dimanche 20 novembre. Comme chaque année, cet événement sera l’occasion de sensibiliser le grand public aux difficultés que rencontrent les personnes atteintes d’un handicap pour accéder au monde du travail tout en proposant à ces derniers de rencontrer des entreprises offrant des emplois. Des obstacles qu’a bien connu Mason Ewing, le producteur de cinéma et créateur non-voyant américano-camerounais de la marque de vêtements Madison Color, dont le handicap a beaucoup dérangé autour de lui. En exclusivité, cet artiste PDG de la holding Mason Ewing Corporation a accordé un long entretien à notre magazine Toombow Kids dans lequel il apporte son regard sur le handicap et explique comment il est passé outre les étiquettes que les gens lui ont collé à la peau.

Toombow Kids : Bonjour Mason, comment allez-vous ? Merci d’être avec nous aujourd’hui. Pour commencer, avez-vous déjà subi des discriminations liées à votre handicap par rapport à votre travail ?

Mason : Déjà, bonjour aux lecteurs et merci pour votre invitation. Oui, j’en ai déjà beaucoup subi. À l’époque, je me rappelle que la toute première fois que j’ai annoncé aux personnes de mon entourage que je voulais être artiste et travailler dans le milieu de la mode et du cinéma, on m’a pris pour un menteur. J’ai eu droit à des moqueries parce que, pour les gens, les personnes ayant des problèmes de vue ne sont pas faites pour être dans le milieu artistique. D’après leurs dires, c’est un domaine complètement visuel. Je ne suis pas du tout d’accord avec ça. Pour moi, l’art, ce sont les émotions, la connaissance, l’ouverture, la passion, l’amour, tous ces mots qui sont importants et qui font que je n’ai pas besoin d’être voyant. En plus, pour prendre l’exemple de nous autres les personnes aveugles, nous avons quelque chose que les voyants n’ont pas : nous sommes plus attentifs et sur beaucoup de choses, on a les yeux plus grands ouverts qu’eux et ça, c’est une certitude à 100 %.

Toombow Kids : De votre expérience, est-ce que vous trouvez que les entreprises considèrent avec suffisamment d’attention les demandeurs d’emploi en situation de handicap ?

Mason : Non car malheureusement, les entreprises sont dirigées par des êtres humains. Ça me fait rire parce que j’en suis un moi-même. Et justement, les êtres humains oublient parfois que les personnes avec un handicap ont des capacités incroyables et parfois surnaturelles. Les entreprises ont trop peur, elles n’aiment pas prendre des risques surtout en France alors que dans d’autres pays comme les États-Unis, ils accordent leur confiance. Là-bas, ils savent donner une chance aux personnes handicapées mais ça devrait être comme ça dans tous les pays.

Toombow Kids : Justement, pour rebondir sur le sujet de la France, saviez-vous que là-bas le taux de chômage est deux fois plus élevé chez les personnes atteintes d’un handicap ? Comment réagissez- vous à cela ?

Mason : Je ne suis pas surpris. Pour la France comme beaucoup d’autres pays, le problème est leur manque d’ouverture. Tous ces employeurs ont peur de l’inconnu, de ce qui est différent d’eux. Ils ne nous prennent pas comme des êtres humains mais comme des handicapés avec un grand H alors qu’aujourd’hui, s’ils donnaient une chance à des personnes en situation de handicap, ils seraient très surpris ! Regardez-moi, d’après le monde entier, je suis un génie et un prodige alors que je suis aveugle, et mon handicap n’est pas du tout un frein. Donc les entreprises doivent arrêter d’avoir peur et comprendre que les personnes handicapées sont des gens comme tout le monde. Et si un jour, tous ces pays veulent que leur taux de chômage baisse, il faudrait qu’ils arrêtent de juger autrui car nous sommes tous égaux.

Toombow Kids : Que répondriez-vous à ceux qui pensent que les personnes handicapées ne peuvent rien faire ?

Mason : Ce que je leur dirais, c’est qu’à un moment, excusez-moi d’être vulgaire, il faut arrêter les conneries ! Si on réfléchit avec du recul, on a tous un handicap. Jusqu’à aujourd’hui, je ne sais toujours pas ce que veut dire ce mot. Pour ma part, je sais juste que je suis une personne humaine et ambitieuse qui a une grande passion pour le monde artistique et surtout pour un milieu qui est visuel : le cinéma. C’est déjà un challenge pour moi donc je n’ai pas besoin que d’autres personnes viennent en rajouter. Ce que je peux dire à tout le monde, c’est de vous battre pour vos rêves et ne pas écouter les autres. Pour moi, la personne handicapée, c’est celle qui ne va pas oser faire les choses et se mettre toute seule des freins. C’est comme ça que je vois le monde.

Toombow Kids : Justement, de nombreux enfants dans le monde qui sont porteurs d’un handicap aimeraient travailler dans le monde artistique mais abandonnent leurs rêves car ils pensent que ce serait impossible pour eux. Qu’est-ce que vous aimeriez leur dire ?

Mason : Ce que je leur dirais, c’est tout simple : ne vous fermez pas les portes vous-mêmes. S’il y a des gens qui sont prêts à vous juger, alors ça veut dire qu’ils ont peur. J’ai remarqué que des personnes me jalousaient beaucoup parce que j’ai réussi à faire des choses auxquelles elles ne s’attendaient pas ou alors qu’elles n’ont-elles mêmes pas réussi à faire, donc je peux comprendre que ce soit compliqué pour eux. Voir une personne qui vit dans le noir mais avec les yeux grands ouverts sur le monde artistique et qui adore son métier de producteur, oui je peux comprendre que ça les dérange. J’adore les moments où je m’occupe de faire la déco d’un de mes films ou d’une de mes séries télé. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, j’ai une autre manière de voir, c’est avec mon toucher et mes émotions. Quand on est dans ma situation il ne faut pas hésiter à utiliser ses doigts pour explorer son environnement. Ceux que ça dérange, s’ils le veulent, on n’a qu’à échanger nos places et qu’ils prennent mon handicap. Donc oui, je m’éclate dans mes projets audiovisuels quand je touche des objets ou quand je sens un bon feeling dans un lieu et que je sais que c’est là où je vais tourner. Par exemple, si j’avais encore le sens de la vue que j’ai eu jusqu’à l’âge de mes 14 ans, je sais que je n’aurais jamais pu remarquer autant de détails que maintenant. Oui, j’ai peut-être perdu la vue, mais j’ai gagné d’autres capacités, donc je n’ai rien à envier à personne. La dernière chose que je veux dire aux enfants qui veulent faire des activités dans le domaine artistique ou même dans un autre travail qui n’a rien à voir, c’est de ne pas hésiter à foncer et écouter votre cœur. C’est ça la chose la plus importante, le cœur, nos émotions. Dans la vie, rien n’est acquis, mais quand on a la confiance en soi, la niaque, on peut réussir à atteindre des sommets.

Toute l’équipe de Toombow Kids espère que le témoignage de Mason Ewing va donner le courage aux enfants qui sont handicapés de suivre leurs rêves et souhaite à toutes et à tous une excellente semaine du handicap !