La phobie du vide est l’une des plus répandues au monde, et pour beaucoup, un simple regard vers le bas depuis une fenêtre d’immeuble peut provoquer de l’angoisse. À 61 ans, Alain Robert a su apprivoiser cette peur. Depuis son adolescence, il escalade des montagnes et des bâtiments toujours plus hauts les uns que les autres, et ce, sans cordages ni autre équipement. En tant qu’adepte de cette spécialité appelée « l’escalade en solo intégral », il a eu la gentillesse de partager son expérience au micro de Toombow Kids.
Toombow Kids : Salut Alain, comment ça va ? Qu’est-ce qui a déclenché ta passion pour l’escalade en solo intégral ?
Alain Robert : Ça va bien, merci ! Ma passion a été déclenchée par le courage. Enfant, j’étais un gamin qui avait peur de tout. J’avais peur de tout, de la mort, presque même de mon ombre ! J’avais deux grands héros qui étaient Zorro et Robin des Bois. Je ne savais pas encore comment mais mon but ultime était de devenir quelqu’un de courageux, comme eux. Et puis un jour, j’ai vu le film La Neige en deuil qui raconte l’histoire de deux frères qui se lancent dans une expédition en montagne à la recherche de l’épave d’un avion. C’est un vieux film, mais il m’a donné une voie, une idée. Ça été une évidence par rapport à cette attirance pour la verticalité.
Toombow Kids : D’accord, on comprend mieux. Est-ce que tu as transmis cette passion à tes enfants ?
Alain Robert : Non, je ne l’ai pas fait. C’est quelque chose qui doit venir de soi-même. Sur tous mes enfants, il y a juste mon fils aîné qui a un peu grimpé avec moi. On a même grimpé une tour ensemble quand il était jeune . Comme ça peut être dangereux, je préfère faire attention et les éloigner de cela.
Toombow Kids : Comment te prépares-tu mentalement et physiquement avant une escalade ?
Alain Robert : À l’époque, je grimpais tous les jours, je n’avais pas réellement besoin d’entraînement physique. Je faisais des tractions, des choses comme ça. Plus tard, je faisais des murs d’escalades que j’avais aménagés chez moi. Je me servais beaucoup de la nature. J’ai complètement appris en autodidacte. J’ai aussi retenu des bases pédagogiques dans des livres comme « Glace, Neige et Roc » de Gaston Rébuffat. Aujourd’hui, l’escalade est devenue un sport à part avec beaucoup plus d’encadrement, donc c’est parfait !
Toombow Kids : Dans ta carrière, tu as été victime d’accidents graves, notamment une chute de quinze mètres la tête la première qui t’a valu six jours de coma et des fractures multiples au crâne, nez, poignets en miette, avec un risque d’être amputé du poignet gauche, coude, bassin et talons. Tu as même perdu 40 % de ton sang lors de l’accident. Comment as-tu fait mentalement pour te remettre à l’escalade ensuite ?
Alain Robert : J’étais devenu un grimpeur qui avait fait des belles choses, j’avais 19 ans, tout se passait bien jusqu’à l’accident. Les médecins me disaient que je ne pourrais plus jamais grimper mais quand je suis sorti de l’hôpital, je me suis dis que je pourrai au moins refaire des choses faciles. Et petit à petit, j’ai fait des ascensions de plus en plus compliquées. Mais mes poignets sont toujours endommagés. Ma main gauche a du mal à serrer, mes doigts sont atrophiés… Une anecdote que je dis souvent, c’est que je n’arrive pas à ouvrir les bouteilles en plastique de Perrier. Et pour tous les gens qui parlent des risques de mourir, j’ai une chose à dire que ce soit pour une chute dans les escaliers, un cancer en phase terminale, un AVC, cela peut arriver n’importe quand. Il faut arrêter de blâmer les gens de vouloir vivre d’une façon. C’est un chemin de vie, une continuité qui avait commencé quand j’avais 14 ans et c’est une forme de philosophie de la vie axée sur le courage.
Toombow Kids : Comme on l’a évoqué plus tôt, tu as des enfants, quelle est leur position lorsque tu escalades ?
Alain Robert : Ils ont peur. Mon fils aîné a 37 ans. Je lui ai dit récemment que j’allais aller grimper dans le Verdon et il m’a fait part de son inquiétude. Ils ont été imbriqués là-dedans dès le plus jeune âge et au début, ils ne comprenaient pas le danger, maintenant oui. Ce que j’essaye de faire, c’est de me servir de ce que fais pour leur transmettre des valeurs positives, de leur faire passer des messages sur le courage. Que ce soit pour ceux qui veulent faire de la musique, se lancer dans la course à pied, ceux qui passent leurs examens, la maîtrise de la peur s’applique partout ! À travers ma démarche, je montre aux gens qu’on peut la mettre de côté, mais que c’est important de la garder car c’est comme un garde-fou.
Toombow Kids : Quel est le moment le plus mémorable de ta carrière d’escaladeur jusqu’à présent ?
Alain Robert : Il y en a plein. Pour moi, mes réalisations les plus dures sont en rocher. En rocher, c’est beaucoup plus aléatoire que les buildings ou le schéma d’escalade se répète.
Toombow Kids : Quels conseils donnerais-tu aux enfants qui veulent commencer l’escalade ?
Alain Robert : Déjà, je conseillerais à personne de faire ce que je fais. Par contre je leur conseille de se lancer si c’est de l’escalade classique et que ça reste ludique et sans prendre de risque. AUjourd’hui c’est possible de le faire de façon très sécurisé en salle avec des grands tapis gonflés au sol pour ne pas se blesser dans les chutes.
Toombow Kids : Merci beaucoup Alain de nous avoir fait découvrir ton univers. On te souhaite de belles sessions d’escalade à l’avenir. A bientôt sur Toombow Kids !